Pour ce résumé de l'épreuve de la 86e édition du Bol d'Or, la plus ancienne des épreuves au calendrier du Championnat du Monde d’Endurance Motos FIM Eurosport Events 2023, nous laissons la prose du pilote METISS Gabriel Pons vous conter celle-ci depuis l'intérieur et la sensibilité d'un pilote d'Endurance.
Pilotes METISS | Joe Akroyd - Ludovic Rizza - Julien Bonnet - Gabriel Pons
C'est parti pour le dernier compte-rendu de la saison 2023. Je sais c'est triste, mais pour tous ceux qui apprécient le format ne vous inquiétez pas la saison prochaine est déjà en cours de préparation et s'annonce pour le moins excitante !
Lundi 11 septembre, me voilà en route pour le circuit du Castellet le 86e Bol d'Or avec la Team MetisS, pour une édition qui marque ma 8e participation au Bol. Niveau préparation, nous n'avons volontairement pas participé aux essais pré-Bol pour des raisons financières et logistiques. En lieu et place, nous avons fait deux jours d'essais à Magny-Cours qui se sont très bien passées : nous avons pu réaliser de très bons chronos avec notre base de réglages des 24h du Mans et les trois pilotes titulaires dont ma pomme ont pu confirmer leur très bon feeling avec la moto, dont la mise au point châssis atteint aujourd'hui un vrai aboutissement ! La seule plainte émanant du trio de pilotes étant le manque cruel de chevaux, une occurrence de plus en plus régulière et qui n'est pas vraiment de bon augure en prévision du Castellet et de sa ligne droite de 2km...
En ce qui concerne mes équipiers, il y a également de quoi se réjouir. Ludovic Rizza un de mes plus proches amis dans la vie est de retour parmi nous après une escapade infructueuse à la concurrence. Julien Bonnet, notre ex-pilote de réserve et avec qui l'entente est également parfaite voit son travail impeccable, sa vitesse indiscutable et son attitude irréprochable récompensée avec une place de titulaire aux côtés de Ludo et moi. Nouveau venu dans l'équipe, le Britannique Joe Akroyd prend la place de pilote de réserve. Nous rencontrons ce dernier lundi soir, accompagné de son sympathique helper Martin Rouse. Les deux compères d'outre-Manche ne tardent d'ailleurs pas à parfaitement intégrer l'atmosphère et le fonctionnement du Team et leur insertion parmi nous se fait naturellement et dans la joie.
Côté matos, pas d'évolution "performance" depuis Le Mans. Quelques petits détails de fiabilité ont été améliorés par l'équipe sur les motos, dont le circuit de refroidissement qui nous a tant posé problème au Bol 2022. Les carters moteurs ont également été traités afin de prévenir la mésaventure du Mans cette année. Base réglage toujours inchangée depuis le Mans, hormis la transmission finale de TGV que l'on doit tirer dans la ligne droite du Mistral. Pour cette semaine de course, la Team nous met à disposition trois motos prêtes à rouler : deux pour les essais et une flambante neuve (moteur y compris) pour la course.
Mardi, premiers essais : à notre grande et désagréable surprise, nous n'avons que quatre heures de roulage prévues, ce qui est évidemment très peu quand il faut faire rouler quatre pilotes. Heureusement, nous avons la possibilité de faire rouler les deux motos en même temps, ce qui nous permet d'ailleurs de rouler ensemble et de s'aider à prendre le rythme. A ce sujet, aucun problème à signaler puisque Ludo, Juju et moi sommes d'emblée rapides et à l'aise avec la moto dont l'incroyable capacité de virage est d'une grande aide dans les longues courbes du Castellet. Pour ma part, je suis en 1'57.4 dès mon deuxième run soit à peine à une demi-seconde de mon record personnel sur ce circuit.
Pendant la pause, on procède à quelques ajustement électroniques dans le but d'exploiter l'incroyable grip que la moto génère sur le train arrière lors des phases de freinage et ainsi profiter de cet atout pour augmenter notablement le frein moteur. Le tout dans le but d'être encore plus efficaces au freinage et sur les entrées de virage. Sur le sujet, petite aparté technique pour que vous compreniez bien : avec la cinématique de suspension avant que nous avons, lorsque la suspension se comprime la roue avant s'éloigne de la moto. Cela a notamment pour effet d'éloigner la roue avant du centre de gravité et donc de répartir les masses de la moto plus en arrière. A ajouter à cela une répartition des masses en statique légèrement bénéficiaire au train arrière, et vous avez cet effet de train arrière qui reste chargé au freinage. Ce qui nous permet de fait d'utiliser un setup de frein moteur semblable à celui d'un gros twin culbuté d'outre atlantique, sans jamais perdre l'arrière au freinage ! Toutes proportions gardées, je pense que cet attribut est un des points forts de la moto dans la mesure où cela nous aide vraiment à faire tourner la moto au freinage et en phase neutre.
Cela fait, nous améliorons encore les chronos l'après-midi. Ludo et moi sommes sans forcer en petit 57, Juju en petit 58. Joe qui découvre la moto et redécouvre la piste est en 59 après très peu de tours bouclés. Joe sera d'ailleurs de corvée pour le test de déjaugeage en fin d'après-midi, et étant donné que le design des réservoirs ne permet aucun déjaugeage avant la panne sèche, il en sera quitte pour une belle séance de poussette. Petite anecdote, le test de déjaugeage n'était à la base pas prévu mais nous avons bouclé tellement de tours pendant la séance que nous sommes arrivés purement et simplement à court d'essence dix minutes avant la fin. A son départ du box pour prendre la piste, tout le monde était au courant que Joe allait finir en poussant... sauf lui ! Comme quoi des fois la barrière de la langue c'est rigolo. D'autant que Joe ne savait pas non plus que la séance était bientôt finie, il a désobéi aux commissaires qui lui demandaient d'attendre la dépanneuse en feignant ne pas comprendre leur anglais approximatif et poussé de toutes ses forces pour ramener la moto le plus vite possible au box. Il arrive au box à bout de souffle et surpris de nous retrouver hilares et déjà changés !
Le bilan de la journée est très bon. Nous avons effectué plus que les durées prévisionnelles de relais avec les pneus, les chronos sont bons dans toutes les conditions (pneus neufs/usés, chargés en essence ou pas), et à force d'un travail de longue haleine sur les AFR nous avons considérablement amélioré la sobriété de la moto qui consomme nettement moins que l'année dernière et qui nous permet d'envisager des relais de 25/26 tours contre 23/24 en 2022.
Après les distractions de la journée off du mercredi et le bon restaurant que nous avons partagé entre équipiers et helpers à l'extérieur du circuit, c'est parti pour les premiers essais officiels jeudi matin. La séance se déroule sans accroc et nous sommes dans le bon wagon. Evidemment plus nous passons de temps en piste confrontés à la concurrence, plus on se plaint du manque de chevaux. L'immense bout droit est une vraie punition pour nous, notamment sur les deux premiers tiers où nous manquons vraiment d'accélération en 3e, 4e et 5e. La vitesse de pointe absolue n'est pas si catastrophique en comparaison, notamment grâce à la bonne aérodynamique de la moto. Par rapport aux meilleures motos en Superstock, nous perdons 5 à 6 dixièmes seulement dans la ligne droite du Mistral avec ou sans aspi... Heureusement, la moto est toujours aussi efficace et plaisante dans le sinueux et nous prenons tous les quatre beaucoup de plaisir à piloter !
Samedi après-midi, qualif. Etant porteur du brassard bleu, ma séance est la première au planning. Je décide de partir seul, quelques secondes après le début de séance pour avoir quelques tours clairs, chaussé en pneus de course SC2 afin de prendre mon rythme avant de rentrer passer un soft SCX. A ma grande surprise et grâce à une aspiration opportune, j'égale mon record personnel dès ce premier run en 1.56'9, sans véritablement chercher le chrono ! Passage au box à mi-séance pour passer le pneu arrière soft, je me retrouve à nouveau seul en piste et me concentre sur mon pilotage pour essayer d'améliorer. Avec le pneu soft, la moto est sur des rails ! Mes deux tours lancés avec le pneu soft se déroulent pas mal avec deux tours en 56, dont un 1.56'6 dans ma dernière boucle et sans aucune aspiration à chaque fois. Record personnel battu, un très bon feeling et beaucoup de plaisir, je signe le 25e temps scratch et 1er EXP.
Juju passe en deuxième dans le groupe jaune et pulvérise lui aussi son propre record personnel en 1.57'4. Ludo s'élance à son tour dans le groupe rouge et fait voler en éclats le record d'une moto MetisS au Castellet avec un superbe 1.55'8, lui permettant de signer le 14e chrono scratch ! La séance qualificative de Joe est un moment clé puisque nous sortons du box la moto de course pour la première fois. Il a pour consigne de ne surtout pas prendre le risque de chuter et de fait il ne bénéficie pas de pneus softs. Malgré tout, et à force de prise d'expérience de la moto il oblitère également son record personnel en 1.58'4 ! Fin de qualifs en fanfare, aucun évènement fâcheux, de bons chronos et quatre pilotes souriants, on passe à table dans la bonne humeur avant la séance d'essais de nuit.
La séance d'essais de nuit se déroule dans la sérénité qui s'est installée depuis le début de la semaine et est essentiellement consacrée à de nouveaux tests de conso et de réglage du voyant de réserve.
Vendredi matin, réveil tôt pour la deuxième séance qualif' à 9h. N'étant pas vraiment du matin et sur les conseils de mes équipiers je décide de m'élancer dans le paquet de furieux dès le début de séance afin de me mettre immédiatement les idées en place et le cerveau en mode attaque. Le premières boucles sont chaotiques, ça se loupe, ça se gêne, ça tire droit, ça se dépasse avec autorité et moi, je me demande bien ce que je fout là ! C'est incroyable l'intensité que dégagent ces séances qualif' d'EWC... Heureusement au troisième tour, je bénéficie d'une belle aspiration et d'un tour à peu près clair. Malgré le fait que je me fasse gêner et perde du temps dans le dernier secteur, j'améliore mon chrono de la veille en 1.56'5 principalement grâce à l'aspiration dont j'ai bénéficié dans la ligne droite du Mistral, et qui m'a permis d'améliorer mon secteur 2 de 5 dixièmes par rapport à la veille. Mon quatrième tour s'annonce sous de meilleures auspices puisque j'ai enfin piste claire : je m'applique le plus possible et... Je me fais une violente amorce d'high-side à la sortie du Beausset. Je continue à pousser et dès le virage suivant du Garlaban, rebelote et cette fois-ci je passe à un cheveu de la chute. La moto perd le grip et raccroche violemment, m'envoyant valdinguer au dessus du réservoir. Heureusement, je m'accroche au guidon et retombe comme par miracle assis sur le réservoir les deux roues en ligne. En pensant immédiatement à une crevaison, je rentre de suite au box pour m'entendre dire que la pression est bonne. A priori le SC0 qui nous restait du Mans et que j'ai ici utilisé à droppé. Pour ma part, c'est la première fois qu'un pneu droppe aussi vite et aussi brusquement mais je ne peux qu'admettre et je décide d'en rester là. Pas grave je suis satisfait du chrono, d'autant plus qu'il me semble que c'est la première fois de ma carrière que j'améliore un vendredi matin. Quand je vous dis que je ne suis pas du matin, je n'exagère pas ! Je suis finalement crédité du 22e chrono scratch et 1er EXP à la fin de séance, à quelques dixièmes du Top-15 car je suis un des rares a avoir amélioré par rapport à la veille.
D'ailleurs Ludo et Juju n'amélioreront pas non plus. Force est de constater que les conditions de piste du jour ne sont pas aussi bonnes que la veille. De son côté, Joe continue son apprentissage et améliore sa référence en 1.58'1. Par contre et plus inquiétant, ils nous alerte sur le fait qu'il ressent la moto de course marche moins bien que celle de qualif au niveau moteur. Plus de vibrations et encore moins de chevaux... Inutile de dire que la nouvelle n'est pas réjouissante, mais nous n'avons d'autre choix que de l'utiliser vu qu'elle est équipée de l'unique moteur frais en stock.
Bilan des qualifications : nous arrachons la 25e place finale sur la grille de départ. Les chronos sont très serrés, et au jeu des centièmes de seconde on est les perdants : nous sommes à un dixième de la 20e place et à cinq dixièmes du Top-16 ! Bien qu'un tantinet déçus du résultat, on ne peut qu'apprécier notre impressionnante progression : avec une moyenne en 1.56'183 nous sommes 9 dixièmes plus rapides qu'en 2022 !! (NB : le chrono de qualif de la moto est la moyenne des meilleurs chronos des deux pilotes les plus rapides de l'équipage.)
L'après-midi repos, visite des stands à 18h et gros briefing le soir à table. Un moment des plus appréciable, lors duquel nous prenons vraiment le temps de nous poser, de planifier la course et d'anticiper le plus de scénarios possibles. Au moment de discuter de qui prend le départ Ludo botte en touche, Juju se porte volontaire et je me positionne entre les deux. Je n'ai pas très envie de prendre le départ (j'en ai déjà pris un sacré paquet et je connais la surconsommation d'énergie causée par l'appréhension et la longueur de la procédure) mais je suis prêt à le faire si l'équipe le souhaite. La pluie étant annoncée pour le départ, l'équipe choisit Juju qui a montré une belle aisance sous la pluie Mancelle en début de saison. Les dés sont jetés !
La pluie annoncée tombe dru samedi matin et transforme la piste en bassin olympique. Entre midi et deux cependant la pluie cesse, un soleil timide se montre et le vent se lève. A 14h pour la mise en grille, la piste est toujours trempée mais elle s'assèche à vue d'œil. Je conseille très vite à Juju de partir en pneus intermédiaires et lui partage le plus de mon expérience possible sur ce type de conditions et avec cette monte mixte qu'il ne connaît pas du tout.
A 15h, départ du 86e Bol d'Or ! Juju fait un départ prudent et se fait déborder de tous côtés par les pilotes équipés de pneus pluie. Les premières minutes de course sont délicates car la piste est encore très mouillée, et Juju dégringole aux alentours de la 30e place. Passé le premier quart d'heure de course, la situation se retourne progressivement et Juju amorce une belle remontée : quelques instants avant de rentrer au box pour ravitailler, il est pointé en 12e position scratch !
Premier ravitaillement vers 15h45, je suis désigné pour relever Juju. A son arrivée au box, il saute de la moto, ouvre l'écran de son casque et me crie :"le shifter et le blipper ne marchent plus !" L'équipe ravitaille la moto en un éclair et je prend le guidon en me préparant à rouler à l'ancienne pendant les 50 prochaines minutes. Autant pour monter les rapports ce n'est pas gênant, autant au rétrogradage le pilotage devient carrément périlleux la faute à notre setup agressif de frein moteur. La prise de l'embrayage au rétrogradage annule complètement le couple négatif (évidemment, c'est son rôle), et au lâcher l'embrayage anti-dribble Suzuki d'origine inutile ne fait rien pour aider. Même en lâchant doucement l'embrayage, la moto se met brutalement à l'équerre puis reprend le grip tout aussi brutalement. Au bout de quelques tours, j'essaie de faire manuellement le blipper en remettant un bref coup de gaz avant de rétrograder. La technique marche bien car je suis habitué à le faire sur la route, mais problème : habituellement quand je le fais sur la route je n'essaie pas de mettre 15 bars de pression dans le frein avant en même temps... Je passe de fait à deux doigts de me flanquer par terre lors d'un rétrogradage sur l'angle, en bloquant brièvement la roue avant à cause de mes doigts qui tirent en arrière au moment de ma relance de gaz. De fait je prend une marge supplémentaire au freinage et fais au mieux pour gérer les rétrogradages en relançant les gaz mais également en utilisant l'embrayage pour gérer le frein moteur. Retour dans les années 2000, chapeau à Juju qui a réussi à gérer la situation en mixtes sur une piste séchante !
A l'issue de cet épuisant relais, l'équipe me fait signe de rentrer la moto dans le box pour procéder au remplacement du capteur de shifter. Opération réalisée en un éclair, grâce au montage rapide sur goupilles de la tige de sélection. Ludo repart et tout marche, le problème est résolu. Ce petit contre-temps nous a en revanche fait glisser en dehors du top-20, mais toujours au contact. En fin d'après-midi je reprend la piste pour mon second relais. Tout se déroule bien même si mon rythme est incompréhensiblement lent : j'ai toutes les peines du monde à rouler en 57 malgré mes efforts constants. Il faut dire que ce moteur de course est d'un anémisme rageant, et lutte a emmener la 6e vitesse dans la ligne droite ! A mi relais, je suis rattrapé par mon vieux démon : les vibrations. Ma main gauche bourdonne et ma paume me brûle... Voilà un Bol qui va être très, très long d'autant plus que le manque de cavalerie nous contraint à éperonner le moteur dans les hautes-sphères du compte-tours ce qui amplifie d'autant plus les vibrations ressenties. Ludo me confiera d'ailleurs un peu plus tard ne même plus passer la 6 dans la ligne droite. Quelques tours avant de rentrer, la moto commence a avoir un comportement étrange : le train avant devient imprécis, et je perd l'avant à plusieurs reprises au lâcher de frein... A l'issue d'une nouvelle perte de l'avant rattrapée in-extremis, je comprend que j'ai crevé le pneu avant et m'engouffre dans les stands. Heureusement l'équipe et Ludo sont plus ou moins prêts à m'accueillir et nous ne perdons que peu de temps.
A la tombée de la nuit, nous sommes stabilisés dans le top-20 mais nous peinons à remonter. Notre rythme n'est pas celui que nous espérions, et cela vaut pour les trois pilotes. Je prend mon troisième relais à la nuit tombante et toujours pareil : je pousse, je tire, je force, j'attaque, je glisse mais je n'avance pas comme je l'espère... Passé les deux tiers de mon relais, un feeling bizarre fait à nouveau son apparition à l'avant et je n'arrive plus a arrêter comme il faut la moto en fin de freinage. Quelques instants plus tard, je perd l'avant sur une bonne quinzaine de mètres en reprenant le filet de gaz sur l'angle à la sortie de la première chicane et me rattrape une nouvelle fois par miracle avec le genou. Plus les tours passent plus le grip du pneu avant décline sur le flanc droit, et je rattrape perte d'avant après perte d'avant. Cette fois ce n'est pas une crevaison puisque je n'ai aucun problème dans les virages à gauche et j'essaie d'adapter mon pilotage pour tenir bon sans finir à plat ventre. Je finis le relais avec peine, dans des chronos lamentables en sachant que mon pneu avant est détruit à droite.
A cause du vent très frais qui s'est levé, nous n'arrivons pas à maîtriser les pression de pneus en piste et le pneu rentré détruit est contrôlé à 2.05 bar soit 200 grammes en dessous de la cible... Ceci expliquant cela. L'équipe arrivera par le suite à parfaitement rectifier le tir et nous ne serons plus ennuyés avec ça par la suite. Par contre nous n'arriverons plus à tenir les 4 relais prévus avec le pneu avant et serons contraints de le changer tous les trois voire deux relais.
La nuit s'est désormais installée alors que je pars pour mon 4e relais. Nous naviguons toujours dans le top-20, entre la 17 et la 19e position au gré des ravitaillements. C'est d'ailleurs mon premier relais "propre", sans aucun problème et c'est de fait le premier où je peux gérer mon effort sur la durée, sans finir épuisé. Quand je roule en endurance, il y a des états physiques et psychiques qui facilitent la tâche : pour moi quand tout va bien, j'arrive à rouler vite sans trop me fatiguer, dans un état de réelle détente physique. En revanche l'occurrence d'un problème similaire à celui vécu plus tôt, me contraint à forcer ma concentration à la gestion du dit problème ce qui implique inconsciemment une crispation physique très vorace en énergie.
La suite de la nuit se passe sans incident notable et les quelques fait de course nous permettent de nous installer en 16e position juste avant le lever du jour. A force de tenir bon, de ravitailler vite et malgré notre rythme plutôt lent on tient peut-être le top-15 que l'on espère ! En revanche, le moteur toujours plus poussif rend le pilotage très frustrant. Chaque dépassement demande un effort important et il faut ruser ou se montrer très agressif pour dépasser avec autant de déficit moteur. Chacun de nous trois est obligé d'attaquer outre-mesure pour afficher des chronos tout juste potables... Pour noircir le tableau et à cause des vibrations, une ampoule de la taille d'un timbre est en train de se former dans la paume de ma main et une douleur malsaine s'installe peu à peu.
Au lever du jour, alerte : Ludo est tombé. Il a perdu l'avant au Garlaban, il n'a rien et les dégâts sur la moto sont légers. Passé au box pour de rapides réparations il est immédiatement de retour en piste. Nous avons perdu 5 minutes dans l'opération ainsi que notre 16e place durement acquise. A mon retour au guidon au lever du jour, nous sommes rétrogradés à la 18e place et l'état de ma main ne me permet plus de piloter normalement : je suis contraint de pousser sur le guidon avec le plat de la paume et la main ouverte, et à tirer avec les doigts crochetés et la paumé décollée. C'est évidemment inconfortable et inefficace mais je me dois de faire le nécessaire pour tenir jusqu'au bout pour l'équipe et pour mes coéquipiers qui souffrent tout autant. Il faut dire qu'à l'issue de ce 7e relais, il m'en reste à minima deux à faire !
Ce dimanche matin est sans histoire pour nous mais riche en rebondissements pour la concurrence. La casse du moteur de la Yamaha #98 entraîne la chute collective de 8 motos dans la courbe de Signes ! Entre autres faits de course et seulement en roulant pour notre survie nous sommes stabilisés en 16e position vers midi.
Alors que je suis alité dans mon camion en train de me reposer, Ludo ouvre la porte avec précipitation pour m'annoncer : "Juju est tombé, la moto a pris feu !" Je saute du lit, file au box et suis rapidement soulagé quand on m'annonce que Juju va bien : il est tombé à basse vitesse suite à une grosse fuite d'huile sur la moto et un début d'incendie faute à l'huile dispersée sur les échappement brûlants.
A son arrivée au box, Juju n'a pas le temps de nous expliquer sa mésaventure que les mécanos trouvent les jupes d'un piston dans le bas de carénage. L'affaire est entendue : une bielle a cassé et traversé les carters. A Ludo de conclure : "Il nous aura fait chi** jusqu'au bout ce put*** de moteur !" La mort dans l'âme c'est évidemment l'abandon.
Je n'ai pas envie de vous faire le même bilan que je vous ai déjà fait après le Mans. Evidemment c'est triste, évidemment c'est cruel, évidemment les gars de l'équipe ont bossé encore plus que d'habitude et évidemment c'est plus injuste ici que dans n'importe quelle autre équipe pour les raisons que vous connaissez déjà. Je vais simplement profiter de ce récit pour faire un petit mea-culpa après avoir sûrement été insupportable à pester autant contre le moteur poussif à chacune de mes descentes de moto. Passer autant de temps et investir autant d'efforts pour concevoir, fabriquer et assembler une moto comme la MetisS pour s'entendre continuellement dire : "elle avance pas", ça mérite sûrement un petit recadrage que je n'ai pas reçu . A tous les gars de l'équipe MetisS : je suis désolé, bravo pour tout ce que vous faites. Je suis votre plus grand fan, vivement 2024 si vous le voulez bien !
Je crois que ce qui me déçoit le plus dans toute cette histoire c'est de ne pas avoir été chercher le résultat que l'on méritait pour ce qui était en principe l'ultime apparition d'une MetisS-Suzuki en course. Certes on a pas de moteur, mais cette moto est d'un niveau d'aboutissement exceptionnel et est un régal à piloter. Si vous avez encore du mal à me croire, vous pouvez demander à mes équipiers c'est un avis qu'ils partagent.
Alors rendez-vous l'année prochaine avec on l'espère un tout nouveau projet : une nouvelle MetisS, avec une nouvelle motorisation qui devrait en principe régler notre principal problème.
(Pilote METISS : Gabriel Pons)
La Team METISS, devant l’abandon par Suzuki du développement de son moteur 1000 GSXR depuis quelques années maintenant, regarde l’avenir vers un nouveau prototype MetisS MS24 se tournant vers la motorisation Honda (HONDA CBR 1000 RR-R). Vous avez d’ailleurs pu voir dans l’album photos la présence du Team Manager japonais Masakazu Fujii de l’équipe F.C.C. TSR Honda, double Championne du Monde d’Endurance (EWC-FIM), honneur et respect du travail effectué par l’équipe METISS et de sa recherche d’innovation perpétuelle.
Nous retiendrons de ce grand Monsieur de la moto la sagesse de ses mots lorsqu’il remporta enfin la prestigieuse épreuve des 8H de Suzuka en 2006 (soit la 10e victoire consécutive pour la marque Honda) :
« Si vous vous donnez à fond, on le remarque. Et il y aura toujours quelqu'un pour vous épauler. Rien n'est impossible ! », « Garder la foi et travaillez sans relâche, vous serez finalement récompensés. » « Accrochez-vous, rien n'est impossible ! » « Hang in there, nothing is impossible ! » (Masakazu Fujii)
Un nouveau projet est cours pour remédier à la motorisation Suzuki dépassée aujourd’hui par la concurrence. Pour cela il faut de l’argent, la seule chose dont l’équipe METISS manque cruellement. Alors n’hésitez pas à rejoindre la Team METISS, entrepreneur ou particulier aux conditions avantageuses de l’association METISS dont dépend l’équipe METISS qui est reconnue Organisme d’Intérêt Général.
Les machines MS23 de cette saison, qui sont remises en parfait état, sont à vendre et certifiées par un dossier d’expertise. Elles feront le bonheur des pistards ou collectionneurs voulant investir dans une œuvre d’art mécanique, qui pourront posséder une machine numérotée rare et unique en sensation et technologie française.
Pour ADHÉRER ou CONTACTER la Team METISS pour devenir propriétaire d’une MetisS MS23.
Bol d'OR 2023 | Abandon du Team METISS à la 22e heure de course